Merveilles magiques de Phalibois

Henry Phalibois, La Lévitation ou Le Magnétiseur, vers 1910, scène automate mécanique à musique, 240 x 120 cm. Estimation : 120 000/140 000 euros. Samedi 4 février, Hôtel Ambassador Une jeune femme rousse se repose sur une banquette recouverte de velours cramoisi ; de temps en temps, elle agite langoureusement un éventail de plume. Ses yeux ouverts et mobiles semblent regarder un homme en habit, tenant de sa main droite un cerceau et dans sa main gauche une baguette, qu’il passe à plusieurs reprises sur le visage de la femme, tout en psalmodiant des formules destinées à l’endormir. Elle lutte un peu, mais le combat est inégal. En deux mouvements, son corps se soulève et reste en position de lévitation. Le magicien passe alors plusieurs fois son corps dans le cerceau. Puis il laisse la femme se reposer sur la banquette où elle se réveille. Il peut alors lever la tête et accepter les applaudissements du public... imaginaire, car on assiste non pas à un tour de magie mais aux fonctions d’un automate, certes inspirées des spectacles donnés par des illusionnistes célèbres de la seconde moitié du XIXe siècle : ceux de John Nevil Maskelyne, à l’Egyptian Hall de Londres, ou de Harry Kellar, notamment son Levitation of Princess Karnack. Cet automate est une réalisation de Henry Phalibois, fils de Jean-Marie, fondateur de la maison de scènes mécaniques. En 1878, la maison avait montré à l’Exposition universelle de Paris un tableau animé, La Conversation sur les toits, qui remporta un franc succès. Six ans après, sont mentionnés des “automates grandeur naturelle”, bientôt la spécialité de cette maison. Henry en prend la direction en 1887 ; doué d’une sensibilité musicale autant qu’artistique, il réalise “des personnages jouant, parlant, chantant, sifflant, riant”, selon la publicité dans l’Annuaire du commerce de 1895. On connaît un peintre, un jongleur, un avocat et un siffleur, mais aussi des groupes animés, comme celui présenté ici et Le Magicien chinois, fabriqué autour de 1920. Pratiquement grandeur nature, cet automate fonctionne à l’électricité, ce qui permet une animation continue, parfaite pour la décoration de vitrines de magasin et comme argument publicitaire. Assorti de son coffre de transport sur roulettes, Le Magicien voyagea entre 1930 et 1935 aux États-Unis. Il faut dire qu’il reproduit parfaitement un numéro d’illusionnistes, faisant apparaître successivement son assistante d’une cabine et d’un grand dé, puis disparaître complètement (70 000 euros). À la prouesse technique s’ajoutent la recherche esthétique et, pour certains, une qualité musicale rare, deux marques de fabrique de la maison Phalibois. Vers 1925, Raymond, le fils d’Henry, vend le stock d’automates à Gaston Decamps, directeur de Roullet et Decamps, et devient marchand de jouets. Ces témoins d’un savoir-faire et d’un soin extraordinaires ont traversé le siècle pratiquement intacts ; les mécanismes d’origine fonctionnent encore... pour l’émerveillement des petits et des grands. Anne Foster - Gazette Drouot 27 janvier 2012